

Romane Desdoits et Justine Hallot, grooms des cavaliers de l’équipe de France de saut d’obstacles Marc Dilasser et Alexis Deroubaix, ont évoqué leur métier, ses avantages et ses inconvénients, et de beaux souvenirs. L’occasion d’en apprendre davantage sur ces personnes qui évoluent dans l’ombre des cavaliers et des chevaux, et qui ont un rôle essentiel.
Romane Desdoits est depuis neuf ans la groom de Marc Dilasser, récent vainqueur de l’étape Coupe du monde de Göteborg (SWE) avec Arioto du Gevres et auteur d’une excellente saison 2022, tandis que Justine Hallot est la groom d’Alexis Deroubaix depuis presque cinq ans et l’a accompagné avec Timon d’Aure lors des Jeux équestres mondiaux de Tryon (USA) en 2019, où tous deux ont terminé neuvièmes et meilleures Tricolores.
Le ou la groom, membre essentiel de l’équipe
Le rôle des grooms est de s'occuper au quotidien du bien-être et des soins des chevaux, tant à l'écurie qu'à l'extérieur. Leur travail est essentiel durant les concours puisqu'ils accompagnent les chevaux au cours du transport, réalisent les soins et la préparation avant et après les épreuves.
Fortement attachés à leurs chevaux, ils les connaissent par cœur et sont vigilants au moindre changement de comportement. En lien constant avec leur cavalier, ils échangent sur le bien-être et l’état de forme des chevaux afin d’adapter au mieux les conditions d'hébergement, le programme de travail des chevaux ou leur détente par exemple. Un métier qui demande un dévouement sans faille, une grande connaissance et passion des chevaux et surtout une bonne organisation !
Entretien croisé
Pourquoi avez-vous choisi de devenir groom ?
Romane : “J’aime bien conduire, ce qui est déjà important car on passe beaucoup de temps sur la route ! C’est chez Marc que j’ai découvert le métier de groom. J’étais sa cavalière maison et il m’emmenait de temps en temps en concours. Cela m’a plu d’être tout le temps à un endroit différent. Le métier est le même puisqu’on s’occupe des chevaux, mais cela change de ne pas être tout le temps aux écuries. Ce côté-là du métier me plaît, l’ambiance concours, la pression, et on fait plein de belles rencontres. Petite, je ne disais pas que je voulais être groom, les opportunités m’ont permis de le devenir.”
Justine : “J’ai fait une formation pour devenir monitrice. Après avoir obtenu mon diplôme, je n’ai pas trouvé tout de suite un emploi comme enseignante d’équitation, mais on m’a proposé un premier poste de groom maison, puis ensuite auprès des jeunes chevaux, puis j’ai eu l’opportunité de groomer Alexis. Comme Romane, j’aime bouger et on va dans des endroits où on ne serait peut-être jamais allées. C’est un véritable métier passion, on vit pour nos chevaux.”
Comment vous êtes-vous formées au métier de groom ?
Justine : “Des formations existent, mais dans mon cas, j’ai tout appris grâce aux vieux grooms. Il faut être bien organisé, ce qui est notre cas à toutes les deux. Pour ce qui est des soins, on a regardé les autres faire, on a échangé avec eux.”
Romane : “Le vétérinaire nous apprend aussi beaucoup de choses.”
Quels sont les avantages et inconvénients que vous voyez à votre métier ?
Romane et Justine : “C’est dur physiquement, il faut avoir du caractère. Les horaires sont parfois intenses, notamment lors des concours indoor. Ces derniers n’ont pas de limite, les organisateurs peuvent planifier des épreuves à 22h et reprendre à 7h. Dès qu’on passe sur la saison extérieure, on peut être occupée toute la journée de 8h à 21h, mais après cela s’arrête et on a des nuits à peu près normales. Parmi les avantages, voyager et être toujours avec nos chevaux ; on vit à leur rythme, ils sont notre vie.”
Vous êtes d’ailleurs celles qui connaissent les chevaux par cœur…
Romane : “Nous sommes des repères quand ils vont en concours. On passe tellement d’heures avec eux qu’on les connaît par cœur et que l’on voit tout de suite quand un petit quelque chose ne va pas. On ne sait pas nécessairement pourquoi, mais on le remarque dans leur comportement. On tient les cavaliers informés car ils peuvent ne pas forcément s’en rendre compte.”
Avez-vous un conseil à donner à celles et ceux qui souhaitent devenir groom ?
Justine : “Il ne faut pas avoir peur, notamment des horaires, car on s’y habitue, travailler et être organisé.”
Pensez-vous qu’il y a assez de reconnaissance du travail des grooms ?
Romane : “Aujourd’hui, cela commence.”
Justine : “Après, il faut faire attention, car cette reconnaissance concerne aujourd’hui les grooms de haut niveau, qui sont présents sur les grands championnats et au niveau 5*. C’est beau de mettre leur photo sur les tableaux d’affichage, mais il n’y a pas que les grooms qui ont participé aux Jeux olympiques. Il faut aussi penser à ceux qui travaillent aussi beaucoup à un niveau moins élevé, qui vont sur le circuit national avec dix chevaux par exemple.”
Il existe une réelle cohésion entre les grooms…
Romane : “Par exemple, lorsqu’on participe à un concours pour la première fois et qu’on ne sait pas où faire une étape, il y en a toujours pour nous conseiller et nous transmettre des contacts.”
Justine : “Oui. Je m’entends bien avec l’ancienne groom de Patrice Delaveau par exemple, et je sais que si un jour j’ai une question, je peux l’appeler. On trouve toujours de l’aide quelque part.”
Avez-vous un souvenir marquant à partager ?
Romane : “La Coupe des nations d’Hickstead (GBR) l’année dernière, où Marc a permis à la France de gagner au barrage face à deux autres équipes. La deuxième manche de la Coupe des nations ne s’était pas aussi bien passée qu’espérée, Marc a eu la force de caractère pour rebondir, tout comme Arioto, qui ne s’est pas posé de question. C’est un très bon souvenir, même si je suis passée par toutes les émotions, en témoignent les messages vocaux que j’ai laissé à Justine tout au long de l’épreuve !”
Justine : “J’ai reçu un message où elle pleurait à moitié, et celui d’après aussi, mais pas pour les mêmes raisons ! (rires)”
Romane : “Arioto a fait une très bonne saison 2022, puisqu’il est aussi double zéro dans la Coupe des nations de Dublin (IRL) juste après, c’était une belle année qui laisse de très bons souvenirs. La saison 2023 a également bien débuté puisque le week-end à Göteborg fin février était magique. Arioto et Abricot Ennemmelle ont tous les deux été formidables. Quand on part en concours, on espère toujours obtenir des résultats mais là, cela a dépassé tout ce qu’on pouvait imaginer. C’était la première victoire de Marc en Grand Prix 5*, les propriétaires d’Arioto étaient présents donc c'était génial de vivre cela tous ensemble !”
Justine : “Pour moi ce sont les JEM de Tryon, mon premier grand championnat, et j’étais très stressée. C’était ma première vraie année de grooming, je n’étais pas prête psychologiquement ! J’ai appris beaucoup de choses sur ce championnat. Jérôme Thévenot, le vétérinaire, nous encadrait. Dans l’équipe, on était presque que des grooms novices, donc il s'arrachait un peu les cheveux, mais tout s’est bien passé ! J’ai mis un peu mes émotions de côté à ce moment, j’étais complètement concentrée sur le travail car je voulais tellement que tout aille bien, mais quand j’y repense ce sont vraiment des moments géniaux. On ne s’attendait pas à faire d’aussi belles performances, quand Alexis fait un sans-faute et que l’on est tous ensemble avec le staff, c’était vraiment sympathique.”
Pensez-vous faire cela encore longtemps ?
Justine : “Tous les vieux grooms vous le diront, on dit toujours qu’on s’arrêtera en même temps qu’un certain cheval, parce qu’il compte beaucoup pour nous. Puis les cavaliers en trouvent un plus jeune, qui commence à tourner en Grand Prix, et au final on continue ! Parfois, c’est le physique dit stop, ou alors lorsque les femmes veulent fonder une famille.”
Romane : “Tant qu’il y a la passion !”