

Organisé par la Fédération Française d’Équitation (FFE), le 3ème Congrès Cheval et Diversité, consacré aux domaines de l'accompagnement et de la prévention sous le prisme du partenariat Homme-Cheval, a réuni les 3 et 4 avril derniers, au Parc équestre fédéral à Lamotte-Beuvron (41) plus de 150 professionnels du monde équestre, sanitaire, social et médico-social ou plus largement du domaine de l’accompagnement de l’humain. Tous sont venus pour échanger autour d’une thématique centrale : « Le cheval au cœur des Hommes » ou comment faire du cheval un allié de santé, de reconstruction et d’inclusion.
Le congrès, un espace unique de réflexion autour de la médiation équine
Durant deux jours, professionnels, chercheurs, écrivains, élus et cavaliers de haut niveau ont partagé leurs expériences et expertises lors d’une série de conférences, témoignages, tables rondes et échanges autour du rôle du cheval dans l’accompagnement et la prévention.
L’accent a été mis sur les activités équestres comme leviers d’accompagnement des parcours de vie, ainsi que sur des thématiques essentielles telles que la prévention et la reconstruction face aux violences ou traumatismes. Un temps d’échange unique autour de réflexions communes, de témoignages et de retours d’expériences de professionnels et de patients mettant en lumière le rôle du cheval et sa relation avec l’humain, les enjeux de la médiation dans les parcours de santé et de vie ainsi que les divers axes de la médiation équine développés par la FFE.
Le mot d’introduction du président de la Fédération Française d’Équitation (FFE)
Frédéric Bouix, président de la Fédération Française d'Équitation (FFE), a ouvert le Congrès Cheval et Diversité en mettant l’accent sur l’importance d’une approche globale et collaborative. Il a souligné la nécessité de développer des pratiques transdisciplinaires, à la croisée des mondes équestre, sanitaire et social : « Cette année encore, le Congrès Cheval et Diversité rassemble des acteurs professionnels et experts du domaine équestre, de la santé, du bien-être tant équins qu'humains. Cette diversité reflète l'évolution des pratiques et des besoins et souligne l'importance d'une approche holistique dans nos activités ».
Il a aussi rappelé que les évolutions sociétales nous obligent à repenser nos modes d’action : « L’évolution de notre société, à travers ses besoins, ses aspirations et ses capacités, nous pousse à repenser nos stratégies et à encourager une collaboration plus étroite entre les professionnels. Il est désormais essentiel de concevoir, coordonner et consolider ces synergies afin de répondre efficacement aux défis actuels, qu’ils soient d’ordre social ou liés à la santé publique. »
Des thématiques fortes et des intervenants de haut niveau pour aborder les grands enjeux sociétaux
Cinq grands temps forts ont été développés tout au long de ces deux jours et animés par des intervenants de haut niveau, rompus à ces thématiques.
La relation Animalité/Humanité : ce que le monde animal enseigne aux Hommes
Cette relation a été mise en lumière dès l’ouverture du congrès par Pierre Beaupère, cavalier professionnel, professeur de dressage, spécialisé en éthologie équine, qui a beaucoup travaillé sur ce sujet et rencontré de nombreux professionnels. Une relation qui, comme souligné dans son introduction, a fait émerger, au fil des siècles, ce que le monde animal a à apprendre à l’Homme. Notamment, il met en avant la puissance des partenaires équins dans notre cheminement humain. Leur sensibilité, leur manière d’être au monde et leur façon d’interagir avec nous, nous invitent à ralentir, à écouter, à nous recentrer. Les chevaux nous rappellent l’importance du lien, de la cohérence intérieure et du respect de l’autre. Ils nous confrontent à nous-mêmes et nous apprennent à mieux comprendre nos émotions, à réguler nos réactions, à trouver un équilibre intérieur plus stable et sincère. Être avec eux demande une attention pleine, une posture d’ouverture, une justesse dans l’intention. La sensibilité du cheval rapproche l’animal et l’humain, comme si l'homme était l'égal du cheval autant que le cheval est l'égal de l'homme.
Emotions, traumas et résilience : l’apport des neurosciences
Avec l'intervention remarquable de Philippe Pencalet, neurochirurgien à Paris, Docteur en Neurosciences et formateur en Hypnose, a été mis en lumière le triptyque « émotions, traumatisme et résilience ». Il a exposé la manière dont le cerveau traite le traumatisme et en quoi le cheval, miroir émotionnel, peut accompagner la résilience. Il a notamment fait le parallèle entre les différents types d’émotions (cognitives ou instinctives) générés par les traumas, la perte de sens et les thérapies associées permettant de soigner efficacement. En particulier l’accompagnement par le cheval, doté lui aussi d’un cerveau émotionnel, dont la sensibilité et la réactivité sont des capteurs révélant les émotions humaines même les plus subtiles.
Vers une médiation équine accessible à tous, éthique et professionnelle
La seconde partie de la matinée a été consacrée à la question cruciale des enjeux de la médiation équine et aux moyens de développer les pratiques pour les rendre accessibles au plus grand nombre. Plus que jamais, la thérapie avec le cheval s’inscrit aujourd’hui comme un allié précieux dans les processus de santé, de soin, de socialisation des hommes.
Cette session, animée par Carole Yvon-Galloux, chargée de mission Cheval et Diversité à la FFE, a mis en lumière le rôle structurant et fédérateur de la Fédération. Véritable moteur d’un projet global, la FFE œuvre depuis 2017 à réunir les professionnels, les acteurs territoriaux, les professionnels équestres et les soignants, les institutionnels autour d’une dynamique de co-construction. La démarche « Cheval et Diversité » qu’elle porte s’inscrit dans une approche transversale et systémique. L’équitation y est positionnée comme un levier puissant de santé, d’inclusion et de lien social.
Carole Yvon-Galloux a présenté les cinq axes complémentaires de la médiation avec les équidés : le soin, l’accompagnement psychosocial, le sport-santé, l’equicoaching et l’inclusion. Cette approche fait de l’équitation bien plus qu’un sport nécessitant l’intervention de professionnels spécifiquement formés, capables d’individualiser leurs pratiques.
Vers une reconnaissance législative et institutionnelle
L’édition 2025 du Congrès a permis de mettre en lumière les bases d’une coopération renforcée entre les acteurs de terrain, les institutions, les chercheurs et les pouvoirs publics, en faveur d’une reconnaissance nationale et d’un encadrement des pratiques de médiation animale.
Virginie Lamotte, conseillère développement, Pôle développement des pratiques à l’ANS a mis en avant le positionnement de l’agence comme facilitatrice, aidant à trouver les bons interlocuteurs, à articuler les dispositifs publics et à soutenir l’innovation dans la pratique sportive. Elle s’inscrit aussi dans une dynamique liée à l’héritage des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, avec une volonté de transmettre la culture sportive dès le plus jeune âge, notamment via les écoles. Elle a rappelé que l’ANS accompagne environ 17 000 associations sportives, en lien avec les fédérations, les services de l’État et les collectivités. Elle soutient également les projets portés par des structures très diverses : comités locaux, établissements médico-sociaux, collectivités, etc. en travaillant main dans la main avec les fédérations comme la FFE, sur le terrain et dans la durée.
Sébastien Saint-Pasteur, député de la 7e circonscription de la Gironde (33), a présenté les axes de la proposition de loi qu’il souhaite initier. Cette initiative qui vise notamment à structurer et encadrer la médiation animale est née d’une expérience lorsqu’il était élu en charge du handicap en Gironde. Elle fait suite à de nombreuses rencontres et auditions, notamment avec la Fédération Française d’Équitation (FFE). Le Député : « J’ai été extrêmement touché par la puissance du lien entre l’homme et l’animal dans le cadre d’une remise de chien guide (…) à un enfant porteur de troubles du spectre autistique. (…) J’ai la chance (…) d’avoir vu des démarches qui sont portées par la FFE, notamment dans les quartiers, à l’attention de femmes qui sont malheureusement victimes de violences conjugales. J’ai constaté que beaucoup d’initiative étaient portées, de nombreuses sont extrêmement vertueuses mais que nous étions face à un secteur qui était assez peu connu, assez peu normé, assez peu régulé et qui pouvait faire l’objet d’amélioration et d’une meilleure prise en charge. »
La proposition de loi va très probablement se structurer en quatre axes :
Le député a souligné l’importance d’un « travail de prévention des dérives à réaliser, même si elles sont marginales, elles peuvent porter préjudice de façon conséquente à une pratique qui est scientifiquement (…) assez bien étayée ».
Monsieur Pavy, président de La ligue contre le cancer de Loir-et-Cher et administrateur à la Ligue nationale, a rappelé que la Ligue contre le cancer est présente sur l’ensemble du territoire avec 103 comités. Premier financeur privé de la recherche contre le cancer en France (30 à 40 millions d’euros/an), elle joue également un rôle central dans l’accueil et l’accompagnement des malades et des aidants, via des soins de support (bien-être, écoute, soutien psychologique), des aides financières et l’implication de patients ressources, formés pour partager leur expérience auprès des professionnels de santé et d’autres patients.
Grâce à la collaboration avec la FFE, la Ligue envisage aujourd’hui d’intégrer la médiation équine comme un soin de support complémentaire dans son accompagnement. Cette démarche vise à individualiser l’accompagnement, à soutenir le lien social et à renforcer la qualité de vie des patients et de leurs aidants. Monsieur Pavy appelle à mutualiser les compétences entre structures associatives et fédérations sportives pour construire ensemble des réponses adaptées, sécurisées et humaines, au service des personnes malades.
Lutter contre les violences, un enjeu de santé publique
Cette troisième conférence a été ouverte avec l’intervention vidéo d’Aurore Berger, ministre déléguée à l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations qui a remercié la FFE et les différents intervenants pour leur engagement. La ministre a rappelé le contexte alarmant des violences en France, précisant qu’elles touchent l’ensemble de la société, sans distinction et que trop souvent, les victimes restent invisibles, mal accompagnées, mal entendues. « Nous avons une responsabilité collective (…) immense. Nous devons en finir avec l’indifférence. Nous avons donc besoin que toute la société s’engage pour éradiquer les violences ». Elle souligne qu’à travers ce congrès, la Fédération Française d’Équitation met en lumière la médiation équine comme outil de prévention, d’apaisement et de reconstruction. Le cheval, par sa sensibilité, sa neutralité et sa capacité d’interaction non verbale, offre un cadre unique aux victimes pour se reconnecter à elles-mêmes, retrouver confiance, poser des limites et reconstruire une image de soi. Pour conclure, Aurore Bergé a précisé que la «médiation équine est une approche précieuse» à laquelle elle croit qui mérite d’être explorée et structurée.
Cette partie a été suivie par les interventions fortes et poignantes de deux expertes qui ont explicité les processus des violences sur les enfants et leur impact.
Anne-Laure Buffet, thérapeute, conférencière et formatrice spécialisée dans l'accompagnement de personnes victimes de violences psychologiques, a analysé le processus d’emprise afin de pouvoir réagir. Elle a insisté sur la nécessité d’adapter les réponses institutionnelles, de former les professionnels et d’apporter un soutien efficace aux personnes concernées.
Astrid Hirschelmann, professeur des Universités en psychologie clinique et pathologique à l'Université de Caen (14), responsable de 2 Master, un à l’Université de Caen sur la psychologie clinique et l’autre à l’Université de Rennes (35) en criminologie a présenté les résultats d’une recherche commandée par la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ). Cette étude visait à distinguer les conflits et les violences au sein des familles et à analyser l’impact des conflits parentaux sur les enfants.
Autre moment fort du congrès : l’intervention personnel d’Alain Dikann, psychanalyste, artiste, plasticien, art-thérapeute certifié et enseignant à l’Université de Strasbourg (67), présentant l’art-thérapie comme un processus indispensable pour permettre au patient de revenir dans son corps et transformer le traumatisme en souvenir. Alain Dikann a également partagé son témoignage personnel de psychotraumatisme à l’adolescence (accident violent avec mort d’un proche) et son propre parcours de reconstruction qui a inclus l’équithérapie. Il a insisté sur l’importance de cette approche non-verbale, qu’il a vécue lui-même en tant que patient mettant en opposition les limites des approches thérapeutiques classiques uniquement verbales (psychanalyse, psychothérapie classique). Par son intervention, il plaide pour une approche thérapeutique globale du trauma, intégrant corps, émotions et créativité. Le trauma étant une rupture à la fois psychique et somatique, il faut pour le traiter, passer de l’ombre à la lumière, dans une logique de réparation sensible.
Dans ce cadre, deux experts ont présenté, chacun dans le domaine, leur approche sur la prise en charge des traumas.
Jérémie Bonneau, psychologue, a livré un retour de sa thèse, en cours, sur la médiation équine. Financée par EquiAction - le fonds de dotation de la FFE - et l’IFCE, elle est orientée sur les enfants/adolescents présentant des troubles du comportements (opposition, impulsivité agressivité…) en lien avec des parcours de développement atypique générant des difficultés psychologiques importantes. Son travail, centré sur les liens d’attachement et les effets des traumatismes précoces, montre l’impact mesurable de la médiation équine. Elle renforce le sentiment de sécurité – notamment grâce à l’expérience physique du portage à cheval – et offre un cadre apaisant, structurant et rassurant. Les premiers résultats sont probants : « les séances d’équithérapie produisent un effet très positif et significatif sur la sécurisation de l’attachement chez l’enfant, produisent une augmentation significative de la capacité à mentaliser… ».
Enfin, Renaud Demars, adjudant-chef au Centre National des Sports de la Défence est le référent national en équitation adaptée dans les Armées. Formé dans le cadre de la formation Médiateur équin déployée par la FFE, il a présenté les stages de reconstruction par le sport proposés aux blessés militaires comprenant des séances d’équitation adaptée. Au-delà de sa présentation sur les dispositifs proposé pour soutenir le processus de reconstruction, Renaud Demars a accepté de partager son propre vécu du Syndrome Post Traumatique.
La dernière conférence du congrès a mis l’accent, avec Sophie Cha, médecin spécialisée en biologie médicale, titulaire d’une capacité en médecine du sport, anciennement médecin conseiller à la DRAJES, pilote du plan régional Sport Santé Bien-être breton, en partenariat avec l’ARS, présidente de la commission médicale de la FFE, sur le rôle central de l’activité physique dans la prévention des maladies chroniques : obésité, diabète, cancers précoces, maladies cardiovasculaires… Elle met en lumière le rôle majeur de l’équitation santé, inscrite dans le dispositif MÉDICOSPORT-SANTÉ©, qui propose une approche accessible, progressive et inclusive. L’activité physique santé bien être débute dès la rencontre avec le Cheval. Le simple fait d’être et de marcher à ses côtés induit inévitablement de la mise en mouvement. Elle permet de restaurer la confiance en soi, le lien au corps, le contact social et le plaisir de bouger. Le cheval agit comme un levier motivationnel à la pratique de l’activité physique… L’équitation santé devient ainsi un outil accessible, progressif et émotionnellement engageant, capable de restaurer confiance et lien au corps.
En conclusion, le Président Frédéric Bouix a remercié l’ensemble des participants, des intervenants qui, par leur présence au congrès et leur engagement quotidien, sont les acteurs du développement et de l’amélioration des pratiques. Ce 3e Congrès a permis de renforcer les coopérations entre les différents professionnels, acteurs institutionnels et pouvoirs publics, au service du développement de la qualité et la sécurisation des pratiques de médiation équine.