

Né en 1963 sous l’appellation Association Nationale pour le Tourisme Equestre, le Comité National de Tourisme Equestre fêtera ses 60 ans en 2023. A l’aube de cet anniversaire, nous inaugurons cette toute nouvelle rubrique spéciale « 60 ans du Tourisme équestre », en cahier central des prochains numéros de l’Estafette.
Au travers d’articles, de témoignages, d’images, de faits historiques, nous retracerons la genèse du Tourisme équestre, de sa création à aujourd’hui.
C’est aussi l’occasion de s’intéresser aux différents enjeux sociétaux qui ont accompagné le développement des activités de pleine nature et de loisir, et plus particulièrement de l’itinérance équestre.
Enfin, cette rubrique mettra à l’honneur les efforts, le travail et l’investissement de toutes celles et ceux, professionnels, bénévoles et passionnés, qui, en œuvrant à leur échelle, ont fait du tourisme équestre ce qu’il est de nos jours.
ANTE VIAM EQUUS
« Avant la route, le cheval », telle fut la devise de l’ANTE, Association Nationale pour le Tourisme Équestre, lors de sa création, en 1963.
Le Tourisme équestre au début des années 1960 : la genèse
Attrait pour le Tourisme équestre
Nous sommes au début des années 1960, le Tourisme équestre en est à ses balbutiements. Les chevaux ayant disparu progressivement des espaces ruraux, ces derniers sont peu montés, seulement de manière sportive et par une faible partie de la population. La majorité des cavaliers « moyens » et une portion non négligeable d’excellents cavaliers considèrent alors que le cheval étant un moyen de transport, il conviendrait de s’en servir dans ce sens et de l’utiliser notamment à des fins touristiques.
C’est ainsi que les premiers essais ont été tentés et renouvelés entre 1952 et 1962. S’ils ont lieu dans la plupart des régions, ce sont surtout les cavaliers des grandes villes, notamment de Paris, le plus gravement atteints par l’intoxication urbaine, qui s’ouvrent le plus rapidement à ces perspectives.
À travers ces quelques lignes, faisons le parallèle entre l’émergence des activités de pleine nature et de loisir et le développement du tourisme équestre en France, dans les années 1960-1970.
Les éléments précurseurs au développement des loisirs et du voyage dans les années 1960 sont multiples. Les éléments principaux qui ont permis ce développement seraient notamment les congés payés, l’expansion des moyens de transport, et l’amélioration globale du niveau de vie, ainsi que des différents médias.
Tout d’abord, c’est aux alentours des années 1960 que les congés payés ont vu le jour. C’est alors un avantage considérable au tourisme, car cela permet aux gens de s’en aller pour quelques jours, et ce mouvement devient de plus en plus populaire. Le voyage est lui aussi plus facilement accessible : le nombre de voies de chemins de fer, déjà très présents, s’accroît avec la mise en place de voies secondaires, et donc d’endroits desservis par le train. Il est donc de plus en plus aisé de se déplacer, et ce, partout en France.
Cette période coïncide également avec le milieu des “30 glorieuses” : dès la sortie de la guerre, on note un véritable élan de la population vers les activités de Pleine nature. Conjugué aux congés payés et à la diminution du temps de travail pour les travailleurs : il s’agit d’une conjonction de facteurs, qui ne fait qu'amplifier l’attrait pour les loisirs, dont le Tourisme équestre.
Dans les années 70, il y a donc une réelle émergence des activités de Pleine nature. De plus, beaucoup d’élus ont “cru” au développement du Tourisme équestre (et de la randonnée équestre), et ont donc accordé des financements pour le balisage, la création de gîtes équestres et l’entretien des chemins. Petit à petit, les infrastructures qui permettent la pratique du Tourisme équestre se multiplient, élargissant ainsi les sites de pratique.
Pour finir, ajoutons que pendant les années 1970, les personnes ayant suivi une préparation militaire à cheval pendant la guerre fondent les premiers clubs, et démarrent la randonnée à cheval : c’est le début du Tourisme équestre tel qu’on le connaît ! Ainsi, bon nombres de grandes structures équestres, pas nécessairement définies comme centres “de tourisme équestre”, sont créées : le Centre Hippique des Alpes à Grenoble, la Gourmette à Avignon, le centre équestre d’Angoulême… N’oublions pas qu’à l’époque, les centres équestres ne disposent pas encore de moyens de transport - sauf en équipe de France - et ne se déplacent donc presque pas en concours. La randonnée apparaît alors comme une pratique idéale, au départ du centre équestre, alliant plaisir et évasion.
Les premières randonnées
Ainsi, les premières randonnées à cheval sont organisées, de durées et de difficultés diverses. Elles ont lieu soit au sein des groupements équestres (les Sociétés Hippiques Rurales et les Sociétés Hippiques Urbaines, ancêtres des centres équestres d’aujourd’hui), soit par petits groupes amicaux, soit individuellement. Des hôteliers, hommes de cheval pour la plupart, s’intéressant à cette nouvelle activité d’itinérance équestre, créent une annexe hippique à leur établissement, aidant ainsi à répandre davantage le tourisme équestre dans leur région. Plusieurs groupements organisent de véritables rallyes, les premiers, dont le succès et l’heureuse influence n’ont pas manqué de marquer les esprits ! Nous y reviendrons plus tard.
Création de l’ANTE : un besoin de fédérer
Très vite, un constat fait son apparition : si l’on veut que le Tourisme équestre prenne de l’ampleur, que les pouvoirs publics fassent une place aux touristes équestres ; si l’on veut que ces derniers reçoivent un accueil convenable, qu’ils aient à leur disposition des infrastructures adaptées : des itinéraires répertoriés, des lieux où trouver écuries, alimentation, vétérinaires et maréchaux-ferrants, il faut de toute évidence que les efforts locaux et les initiatives isolées puissent être coordonnés à l’échelon national.
C’est pourquoi, en 1963, des hommes qui sont, pour les uns les animateurs de groupements hippiques, pour les autres des commerçants hommes de cheval ou des touristes isolés, décident de se réunir et de créer l’ANTE : Association Nationale pour le Tourisme Equestre.
Déclinaison à l’échelle locale
L’ANTE, dont les rôles et missions seront énoncés plus loin, comportera très vite des sections régionales, départementales et locales. Le comité de direction de l’ANTE réunit alors les responsables des groupements équestres les plus importants de France. Il est complété de jour en jour pour être représentatif des diverses régions françaises et des différentes catégories d’utilisateurs du cheval de selle.
En 1963, des enquêtes précises de recensement et d’organisation débutent au plan national, avec l’appui et dans le cadre de l’administration des haras, de la gendarmerie, du tourisme, de l’hôtellerie, de la FFSE et de l’UNIC. Cette dernière, l’Union Nationale Interprofessionnelle du Cheval, était chargée d’assurer la promotion de l’industrie française du cheval à travers le monde. Ces enquêtes permettent d’accélérer le développement des premières offres de Tourisme équestre.
Lors de l’Assemblée générale extraordinaire du 30 novembre 1969, il est décidé de modifier le titre de l’ANTE, qui devient : Association Nationale pour le Tourisme Equestre et l’équitation de loisirs.
État des lieux de l’époque…
Peu avant la création de l’ANTE, le 1er rassemblement de cavaliers randonneurs a lieu à Polignac, dans la Loire, en 1961.
A l’époque, en l’absence totale de chemins équestres, le maillage d’itinéraire est égal à 0. Le balisage est, de ce fait, inexistant : il faut être un vrai baroudeur et avoir de très bonnes bases en orientation pour évoluer à cheval !
Le matériel utilisé est loin d’être spécialisé pour faire de longues distances, il s’inspire largement de celui utilisé par les derniers régiments de cavalerie. La sellerie Forestier, première à proposer des selles dites « de randonnée », est créée en 1950.
Les premiers produits de Tourisme équestre réellement commercialisés à des clients font leur apparition au début des années 60.
…à aujourd’hui
De nos jours, quelques 60 ans plus tard, le Tourisme équestre s’est développé rapidement et efficacement. Les rassemblements ont toujours lieu, avec plusieurs centaines de cavaliers randonneurs ; c’est le cas de l’Equirando, qui fêtera sa 54ème édition en 2022 !
La marque officielle de balisage équestre, créée par la FFE-CNTE en 1995, est présente sur tout le territoire et quelques 118 500 kilomètres forment le maillage des itinéraires de promenades et randonnées équestres. Adoptée en 1950, l’échelle de cartographie au 1/25 000ème est toujours utilisée par les randonneurs, et dans toutes les compétitions nationales et internationales de TREC (Techniques de Randonnée Equestre de Compétition), ainsi que pour le SIG (Système d’information Géographique).
L’offre des produits touristiques proposés par des Centres de Tourisme Équestre et des agences spécialisées dans le voyage à cheval en France et dans le monde s’est très largement étendue.
Enfin, les selliers et fabricants de matériel de randonnée sont nombreux, du petit artisan-sellier local aux plus grandes marques d’équipement équestre, distribuées dans tout l’Hexagone et au-delà des frontières.
Pour clore ce premier chapitre, voici un extrait de texte tiré du numéro 8 de la revue « Plaisirs Equestres », datant du printemps 1963 : « Les premières réactions et les premières mesures obtenues laissent favorablement présager de l’avenir de l’ANTE sans doute, mais bien davantage et au-dessus d’elle, puisqu’elle n’a été créée que dans ce but, de l’avenir et du développement du tourisme équestre lui-même. »
Que perdure le Tourisme équestre !
Les tous premiers rallyes équestres naissent d’une volonté de se rassembler, et de structurer cette activité naissante qu’est le tourisme équestre.
Du 13 au 15 août 1961, Henri Roque organise la “Première concentration du tourisme hippique”, à Polignac en Haute-Loire. Cette manifestation historique constitue la première édition de ce qui deviendra en 1987 un évènement phare du Tourisme équestre : l’Equirando. Une soixantaine de cavalières et cavaliers s’y retrouvent : c’est un gros rassemblement pour l’époque. L’année d’après, à Roanne, ils seront près de 200 à participer au Rallye National de Tourisme équestre, évènement dont l’appellation prendra une dimension “Internationale” en 1965.
N'oublions pas qu’à l’époque, les clubs ne possédaient pas encore de camion pour transporter leurs chevaux. C’est arrivé bien plus tard, avec l’équipe de France d’abord, qui partait en compétition à l’étranger.
Cela illustre bien la demande d’une équitation de pleine nature, d’une équitation « plaisir » qui ne demande pas d’aptitudes physiques exceptionnelles.
Les conditions d’hébergement sont rustiques : on y dort dans la paille ou à la belle étoile, on y croise d’anciens militaires nostalgiques de l’époque des unités montées et des jeunes heureux de quitter le sable des carrières.
Déjà à cette époque, cette population de culture équestre différente est heureuse de se retrouver dans une atmosphère bon enfant, autour des cantines roulantes empruntées à l’armée.
En 1964, pour la quatrième édition du “Rallye National du Tourisme Équestre, qui prendra l’appellation ’”Equirando” en 1987, quelques 387 chevaux, de toutes races, se sont retrouvés à Angers. Les nombreux cavaliers, issus de styles équestres très divers, étaient âgés de 14 ans, pour le plus jeune, à 74 ans.
Le Comité d’organisation, animé par Raymond Henry, Président de l’ANTE et le Capitaine Sorlin, Directeur du Groupe Hippique du Touring Club de France, s’était efforcé de procurer aux cavaliers les conditions de séjour les plus favorables.
Pendant les deux jours de manifestation, se sont déroulés en ville, dans un climat de gaieté : un défilé aux torches, un concours hippique, des jeux et présentations diverses. Véritable évènement, le grand public fut très nombreux à assister à toutes ces festivités !
Comme le rapporte la revue “Plaisirs Équestres” n°12, de 1964 : “Les personnalités les plus importantes des sports équestres étaient venues apporter leur encouragement et leur sympathie à cette forme renaissante de l’équitation populaire. Leur présence attentive aux multiples manifestations de ces journées était particulièrement significative.”.
Ils ont œuvré à la création du Tourisme équestre
Mettons à l’honneur les visages du Tourisme équestre, d’autrefois et d’aujourd’hui ! Voici des pionniers du Tourisme équestre, qui ont tous trois effectué de longues randonnées en itinérance, qui ont marqué les esprits.
Christiane ANDRE
En 1952, cette très jeune Auvergnate qui deviendra la première femme Maître-Randonneur, rallie Clermont-Ferrand aux Saintes-Maries de la Mer et en revient de même.
Henri ROQUE
Il fut auteur en 1961 d’un très médiatique voyage de la Provence à Paris. A l’arrivée de son célèbre « Eygalières-Paris », il donne une conférence de presse très remarquée au Congrès du Cheval de Sport de Paris. Perché sur sa monture, il annonce triomphalement à Maurice Herzog « Monsieur le Ministre des Sports, la Provence vous salue. Je viens vous annoncer la naissance du tourisme hippique ! ».
Jean BOUËT-WILLAUMEZ
En 1947, Jean Bouët-Willaumez, président de la section hippique du Touring-Club de France, accomplit un voyage de Paris à Mayenne qui fera quelque bruit. Il entreprend en 1947 un périple de 600 kilomètres
depuis Paris vers Mayenne et retour.