En véritable centaure, le cavalier de concours complet cherche à ne faire qu'un avec sa monture pour former un couple harmonieux et complice. Comparable à un triathlon équestre, le complet se compose de trois tests très différents : le dressage, le cross et le saut d’obstacles. Gwendolen Fer, cavalière de l’équipe de France, a marqué la discipline à de multiples reprises : championne de France dans toutes les catégories Jeunes, elle est la première femme française à avoir remporté un CCI 5*-L, le plus haut niveau de la discipline. Pour sa première saison en tant que sélectionneuse des équipes de France Juniors et Jeunes cavaliers, elle a mené les Bleuets jusqu’aux médailles d’or des championnats d’Europe.
À l’occasion d’un entretien, elle est revenue sur son parcours, la place des femmes dans la discipline et son ambition dans l’accompagnement de la nouvelle génération.
“J’ai tout de suite accroché avec les sensations que cela me procurait”
Comment avez-vous commencé l’équitation ?
Ma mère m’a inscrite au poney-club vers l’âge de cinq ans, tout simplement, pour m’occuper le mercredi après-midi. Ma famille n’est pas du tout issue du milieu équestre, en revanche elle est très sportive, nous avons toujours baigné là-dedans. Au fil du temps, l’équitation est devenue une vraie passion et, à 8 ans déjà, j’avais envie de participer à des compétitions.
Pourquoi avoir choisi le concours complet ?
Au début, c’était par hasard parce que mon club proposait cette discipline dans son programme d’enseignement. J’ai tout de suite accroché avec les sensations que cela me procurait : la vitesse et l’adrénaline du cross notamment. Quand j’étais plus jeune je ne m’en rendais pas vraiment compte, mais c’est une discipline complète qui permet de construire des bases solides tant techniquement à cheval qu’humainement. Nous développons une grande complicité avec nos montures car nous passons beaucoup de temps ensemble. On devient de vrais hommes et femmes de chevaux.
C’est une discipline très polyvalente. Nos chevaux sont à la fois des danseurs étoiles et des marathoniens, comme le dit si bien Serge Cornu (entraîneur de dressage et membre du staff fédéral de concours complet pendant de longues années). Nous amenons un seul et même cheval à exceller aussi bien en dressage, en cross et en saut d’obstacles. Le complet est une discipline extraordinaire qui apprend la remise en question et la détermination.
“Passer chez les Seniors est un cap difficile à franchir pour tous les jeunes”
Pouvez-vous nous dire un mot de vos années sur les circuits Jeunes ?
À partir du moment où j’ai voulu faire des concours, mon père, qui était très axé compétition, s’est lancé à 200% à mes côtés. J’ai suivi tous les circuits jeunes : Poneys, Juniors et Jeunes cavaliers. À douze ans, j’ai connu plusieurs embûches avec mon poney Arius. Cela a pris quelques années pour obtenir la consécration : le titre de championne de France et ma sélection aux championnats d’Europe. C’est sans doute le moment le plus marquant de mes jeunes années, la récompense de tout mon travail, mon investissement et ma régularité.
Après, j’ai poursuivi chez les Juniors et les Jeunes cavaliers. Je suis originaire de Toulouse et mes coachs se situaient loin de chez moi, je travaillais seule au quotidien. Cela a probablement freiné un peu ma progression, j’étais une autodidacte en quelque sorte. J’avais développé une équitation à la sensation, il a fallu que je rattrape derrière le côté technique. Au final, je pense que ce parcours a été bénéfique, le fait de ne pas être tout le temps encadrée m’a forcée à beaucoup réfléchir sur moi-même et mon travail.
Vous avez ensuite fait vos premiers pas chez les Seniors, comment avez-vous vécu cette nouvelle étape dans votre carrière ?
Passer chez les Seniors est un cap difficile à franchir pour tous les jeunes. En tant que cheffe d’équipe Juniors et Jeunes cavaliers aujourd’hui, je souhaite que l’on accompagne mieux cette transition. Au-delà de 21 ans, on se retrouve en début de carrière, au milieu des cavaliers Seniors qui ont beaucoup plus d’expérience, de technique et de résultats que nous. On est un peu noyé dans le grand bain. Les cavaliers commencent souvent les concours 4* avec des chevaux bien construits durant leurs années Jeunes cavaliers. Lorsqu’ils partent à la retraite, c’est le vide, il faut alors reconstruire des chevaux et revenir à haut niveau. Je pense que l’on perd beaucoup de bons cavaliers à ce moment précis. Nous avons un vrai travail à faire là-dessus, pour continuer à les accompagner au mieux et les guider dans leurs projets.
Quel est votre regard sur la place des femmes dans la discipline ?
Si on regarde les effectifs en France, nous avons beaucoup plus de cavalières chez les Jeunes. Cela se disperse considérablement quand on arrive dans la catégorie Seniors. On me pose cette question depuis plus de vingt ans, je ne pense pas que ce soit plus difficile pour les femmes de gravir la marche. Selon moi, c’est avant tout un phénomène de la société française qui touche d’autres disciplines comme le saut d’obstacles. Les femmes ne s’octroient pas la possibilité d’aller vers le haut niveau ni les hauts postes. Parfois, je l’ai déjà vu, elles se mettent en retrait de leur conjoint qui pratique aussi le concours complet, alors qu’elles n’ont pas forcément un moins bon niveau. L’envie de poursuivre des études, le désir de maternité peuvent aussi être des facteurs.
Si on regarde bien, les derniers championnats d’Europe et championnats du monde de concours complet, en 2025 et 2022, ont été remportés par des femmes. L’équipe britannique, par exemple, est majoritairement composée de femmes.
“Pour ma première année en tant que sélectionneuse, je n’en attendais pas autant”
Comment avez-vous vécu cette première année en tant que sélectionneuse nationale des équipes Juniors et Jeunes cavaliers?
Nous avons connu une très bonne année 2025. Avoir les deux équipes sacrées championnes d’Europe à Strzegom (POL) était un pur bonheur. Pour ma première année en tant que sélectionneuse, je n’en attendais pas autant ! J’ai fait des choix, nous avons essayé de mettre des choses en place avec l’ensemble du staff fédéral et cela a porté ses fruits. Maintenant, nous ne devons pas nous reposer sur nos lauriers.
Quels sont vos prochains objectifs ?
Les championnats d’Europe Juniors et Jeunes cavaliers auront lieu en Suède au mois d'août 2026. Nous repartons sur un vrai travail technique d’hiver dès la fin du mois de novembre avec plusieurs stages prévus au Parc équestre fédéral à Lamotte-Beuvron (41).
Notre effectif chez les Jeunes cavaliers est peu fourni, nous devons réussir à l’étoffer davantage. Pour cela, nous allons, en parallèle des stages de haut niveau, organiser un stage de détection en décembre. L’objectif est d’accompagner les jeunes, qu’ils évoluent chez les Juniors ou en Amateur Élite, et de les guider au mieux vers ce projet.
Avez-vous un conseil à donner aux jeunes cavalières/cavaliers qui souhaitent se lancer dans le concours complet ?
Le concours complet est une discipline géniale qui procure énormément de sensations. On peut vraiment se dépasser en s’en donner à coeur joie. Elle nous apprend à travailler un cheval et à s’en occuper pleinement. Il faut oser se lancer et ne pas hésiter à demander des conseils, venir voir les cavaliers Juniors et poser des questions au staff fédéral. Nous serons là pour répondre.